Analyse du budget fédéral 2025

Le ministre des Finances annonce des investissements de 115 milliards de dollars sur cinq ans dans les infrastructures


Le premier budget fédéral du gouvernement Carney jette les bases d’une stratégie nationale à long terme visant à composer avec le climat d’incertitude économique qui règne en ce moment. Il espère offrir des bases solides à l’économie canadienne, aux industries et aux ménages. Comment? En investissant dans l’infrastructure communautaire et en stimulant la productivité et la compétitivité du Canada.

Dans sa présentation du budget 2025, le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a qualifié le plan fédéral « d’investissement historique ». Il s’agit d’un virage délibéré pour passer d’une rhétorique de l’austérité à un discours de prospérité. Avec ce nouveau cadre budgétaire, le gouvernement signale clairement son intention d’accorder la priorité aux grands projets d’investissement, au logement, aux infrastructures d’énergie propre et au développement de la main-d’œuvre et de distinguer ces investissements en capital des dépenses courantes de fonctionnement.

La discipline budgétaire n’est pas pour autant négligée. En effet, les ministères ont été invités à effectuer des économies de fonctionnement sur plusieurs années, tandis que les investissements sont concentrés en début de période. Sur le plan politique, l’objectif est double : gagner en crédibilité et signaler aux Canadiens que le gouvernement dispose d’un plan à long terme. Si un budget fédéral s’adresse d’abord et avant tout au public, il vise aussi les partis d’opposition, sans qui il serait impossible d’adopter un budget. Dans ce sens, le budget flirte également avec les partis d’opposition. 

Points sailants

Intitulé Bâtir un Canada fort, le budget se concentre sur quatre grands axes : 

Le logement, avec un investissement de 25 milliards de dollars sur cinq ans

  • Programmes existants (16 milliards de dollars)
  • Maisons Canada (7 milliards de dollars)
  • Mesures fiscales (2 milliards de dollars)

Les infrastructures, avec un investissement de 115 milliards de dollars sur cinq ans

  • Infrastructures – Commerce et transport (5 milliards de dollars)
  • Infrastructures – Communautés autochtones et municipalités (19 milliards de dollars)
  • Autres infrastructures (p. ex. santé, innovation) (37 milliards de dollars)
  • Infrastructures publiques essentielles (par exemple, eau et eaux usées, transports en commun) (54 milliards de dollars)

La défense et la sécurité, avec un investissement de 30 milliards de dollars sur cinq ans

  • Capacités (20 milliards de dollars)
  • Infrastructures et équipements (5 milliards de dollars)
  • Soutien industriel (5 milliards de dollars)

La productivité et la compétitivité, avec un investissement de 110 milliards de dollars sur cinq ans

  • Développement économique régional (1 milliard de dollars)
  • Soutien aux nouvelles technologies (par exemple, l’intelligence artificielle, informatique quantique et véhicules électriques) (12 milliards de dollars)
  • Superdéduction à la productivité (13 milliards de dollars)
  • Programmes de soutien à l’innovation (23 milliards de dollars)
  • Incitations fiscales pour la recherche scientifique et le développement expérimental (27 milliards de dollars)
  • Autres crédits d’impôt (34 milliards de dollars) 

Comme prévu, le budget redéfinit également la manière dont le gouvernement comptabilise ses dépenses. Il s’agit du premier budget fédéral à séparer les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital, ce qui annonce un déficit bien plus important que celui prévu en 2024-2025. Le ministre Champagne et le premier ministre Carney visent désormais le retour à un budget de fonctionnement équilibré d’ici 2030. Il sera ainsi possible d’investir dès maintenant dans des initiatives majeures pour stimuler l’économie, mais également de réduire à moyen terme le coût global de la prestation de services et de programmes aux contribuables. Les nouvelles dépenses seront en partie compensées par des réductions du budget de fonctionnement dans tous les ministères.

Le déficit prévu en 2025-2026 s’élève à 78,3 milliards de dollars, ce qui représente un chiffre nettement supérieur à ce qui avait été envisagé (42,2 milliards de dollars) en décembre dernier, lors de la mise à jour budgétaire. Ce déficit devrait diminuer au cours des quatre prochaines années pour atteindre 56,6 milliards de dollars en 2029-2030. Pour compenser ce déficit, le gouvernement prévoit de réaliser des investissements en capital d’un montant total de 280 milliards de dollars.  

Déficits prévus dans le budget 2025

Le contexte économique et ses conséquences

Le budget 2025 s’inscrit dans un climat de faible croissance et d’incertitude mondiale en raison des droits de douane américains, de la faiblesse des investissements et des conditions difficiles sur le marché du travail. Ces pressions ont miné la confiance des entreprises et réduit les recettes publiques, ce qui a renforcé l’importance accordée par le gouvernement fédéral à la discipline budgétaire.

La semaine dernière, la Banque du Canada a invoqué les perturbations liées aux droits de douane et à la faiblesse de la demande pour diminuer à 2,25 % son taux directeur, ce qui représente une deuxième réduction consécutive. Selon la Banque, la croissance du PIB devrait osciller entre 0 % et 1 % cette année. Par la suite, la reprise devrait être modeste. Après des mois de recul, le taux de chômage est resté stable à 7,1 % en septembre, mais l’emploi a enregistré un ralentissement dans les secteurs qui dépendent du commerce. De plus, chez les jeunes, le chômage reste à des niveaux jamais vus depuis la crise financière de 2009. En septembre, le taux d’inflation stagnait à 2,4 %, ce qui est légèrement supérieur à la fourchette cible.

Cette dynamique souligne la fragilité de la reprise, que le gouvernement espère stabiliser avec ce budget, des investissements ciblés et une nouvelle approche de la gestion budgétaire.

Perspectives politiques

Le budget 2025 représente le premier test de confiance pour le gouvernement Carney depuis les élections. Il servira à évaluer la capacité de la nouvelle administration à gérer à la fois la dynamique politique et la mise en œuvre des politiques. L’issue de ce test indiquera jusqu’à quel point les libéraux sont en mesure d’établir des relations de travail avec les différents partis au sein d’un Parlement minoritaire.

Étant donné que le budget constitue un vote de confiance, son rejet déclencherait des élections anticipées. Les libéraux sont à deux votes de la majorité. Ils ont donc besoin du soutien – ou de l’abstention – d’au moins deux députés ne faisant pas partie du gouvernement.

Le ministre Champagne a décrit le budget 2025 comme un plan « sans surprises », ce qui traduit un effort pour proposer un ensemble de mesures susceptibles d’attirer le soutien de tous les partis. Si le budget insiste sur la restriction et l’équilibre budgétaires, c’est peut-être pour plaire davantage aux députés conservateurs, notamment aux partisans de la discipline budgétaire. Cependant, ces dernières semaines, les conservateurs ont insisté sur le fait que les Canadiens ne devraient plus avoir à faire de sacrifices.

Le Bloc québécois a présenté 16 conditions préalables et n’appuiera sûrement pas le budget. Le soutien devrait plutôt venir du Nouveau Parti démocratique, que ce soit par le biais d’un petit nombre de députés ou d’une coopération sélective plutôt que d’un vote officiel conforme à la ligne du parti. Le parti amorce une course à la chefferie. Il ne serait pas prêt à mener une campagne électorale cet automne. Il est donc fort probable que les députés du NPD s’abstiennent de voter ou qu’un petit nombre offre un soutien limité.

Les consultations prébudgétaires auprès des autres partis ayant été sommaires, le gouvernement Carney pourrait difficilement obtenir des appuis avant le début des débats. Mais, dans leur quête d’appuis, les libéraux profitent du fait que, pour des raisons stratégiques, les conservateurs comme le NPD préfèrent éviter de déclencher des élections anticipées.

Ce que le budget signifie pour les membres de l’AFGC

Le budget 2025 fait à nouveau de l’investissement public et privé en infrastructure le catalyseur de la productivité et de la croissance à long terme. Le gouvernement a prévu plus de 115 milliards de dollars de dépenses en infrastructure au cours des cinq prochaines années. Ces investissements coïncident avec une nouvelle approche budgétaire dans la mesure où l’investissement en capital prévaut sur les dépenses courantes de programmes.

Investissements en infrastructures proposés dans le budget 2025

Horizon quinquennal (en milliards de dollars, selon la méthode de la comptabilité d’exercice)

Pour les firmes de génie-conseil, cela se traduit par une réserve de projets dans plusieurs secteurs. Le nouveau Fonds pour des collectivités fortes, le Fonds pour les corridors de diversification du commerce et le Fonds pour les infrastructures de l’Arctique devraient soutenir les réseaux de transport, les infrastructures favorisant le logement, les énergies propres et les équipements collectifs. Ces mesures s’alignent sur plusieurs des recommandations prébudgétaires de l’AFGC en faveur d’investissements durables, prévisibles et favorisant la productivité.

Le Fonds pour des collectivités fortes, doté d’un budget de 51 milliards de dollars sur 10 ans, répond directement à la recommandation de l’AFGC concernant un engagement renouvelé et continu en faveur des infrastructures communautaires. L’Association remarque toutefois, non sans surprise, que le budget ne fait aucune référence au Conseil canadien des infrastructures ou à l’Évaluation nationale des infrastructures.

Le budget 2025 propose toutefois d’accorder 213,8 millions de dollars sur cinq ans au Bureau des grands projets, et ce, dès l’exercice 2025-2026. Ce financement servira également à soutenir le Conseil consultatif autochtone. Sur ce montant, 19,8 millions de dollars proviendront des ressources ministérielles existantes. La décision du gouvernement d’augmenter l’enveloppe de la Banque de l’infrastructure du Canada de 35 à 45 milliards de dollars et d’élargir son mandat pour inclure les grands projets d’édification du pays est également conforme à une demande de l’AFGC concernant l’adoption de mécanismes de financement plus souples. Les investissements dans les minéraux critiques, les infrastructures du Nord et de la défense, ainsi que dans les corridors commerciaux, créeront également des occasions pour les firmes membres engagées dans des projets liés aux ressources, au transport et à la résilience.

Parmi les autres mesures qui auront un effet sur le secteur, signalons les engagements en matière de reconnaissance des titres de compétences étrangers, les niveaux d’immigration et une nouvelle politique axée sur l’achat de produits canadiens, sur laquelle il faudra d’ailleurs se pencher pour s’assurer que les services professionnels font l’objet d’un traitement équitable.

Dans l’ensemble, le budget 2025 tient compte de plusieurs des recommandations formulées par l’AFGC dans son mémoire prébudgétaire : la productivité grâce aux infrastructures, les partenariats avec l’industrie et un horizon d’investissement à long terme. L’AFGC continuera de travailler avec les responsables fédéraux au fur et à mesure que le programme est mis au point afin de veiller à ce que les firmes de génie-conseil contribuent pleinement à ces projets d’édification du pays.

Points saillants du budget 2025

(Les chiffres relatifs au financement sont approximatifs; les montants ne sont pas cumulatifs.)

Prochaines étapes

Au cours des prochains mois, au fur et à mesure que le programme et les cadres de financement se préciseront, l’AFGC continuera de collaborer avec les responsables et les organismes partenaires pour que la mise en œuvre reflète les principes de transparence, de collaboration et d’optimisation des ressources.

Si, dans le budget 2025, le gouvernement fédéral renouvelle son engagement en faveur d’investissements à long terme en infrastructure, son succès dépendra finalement de l’efficacité de la mise en œuvre et de l’apport réel du secteur du génie-conseil à l’élaboration et l’exécution de ces projets d’édification du pays.

L’AFGC tiendra également ses membres informés du déploiement des programmes de financement, en soulignant les possibilités et les répercussions possibles pour l’industrie. En restant en contact avec l’AFGC, ses entreprises membres peuvent contribuer à façonner la mise en œuvre de ces mesures et veiller à ce que l’attention renouvelée du Canada pour les infrastructures se traduise par des avantages durables pour les communautés, l’économie et l’industrie.

Cette communication a été préparée par l’AFGC et son partenaire en relations gouvernementales, First Lake Solutions, à l’intention de ses firmes membres. Il ne s’agit pas d’un résumé exhaustif du budget 2025. Pour plus de renseignements sur le budget 2025, veuillez consulter le site Web du gouvernement du Canada qui lui est consacré.

L’AFGC, qui est le porte-parole de l’industrie du génie-conseil au Canada, milite en faveur d’un climat commercial et réglementaire qui permette à ses membres d’offrir un niveau élevé de service et de valeur à leur clientèle. Pour plus de renseignements sur les activités de représentation de ses membres de l’AFGC consultez son site Web, à acec.ca/fr.